Les 7 cycles de l’être

Tome Processus

La tradition et la science

Partout où nous portons nos regards, nous ne trouvons nulle part une contradiction entre religion et science de la nature. Tout au contraire, nous rencontrons une concordance totale dans les points mêmes d’importance décisive. Religion et science ne s’excluent pas l’une l’autre, comme beaucoup de nos contemporains le croient ou le craignent; elles se suppléent et se conditionnent mutuellement, l’une l’autre … Religion et science mènent ensemble une bataille commune dans une incessante croisade qui ne s’arrête jamais, contre le scepticisme et contre le dogmatisme, contre l’incroyance et la superstition, et le cri de ralliement pour cette croisade a toujours été et sera toujours: jusqu’à Dieu.
Max Planck (Autobiographie scientifique)

Ce n’est pas tant la connaissance de la vérité qui nous est nécessaire, c’est la découverte de la voie intérieure qui  nous permette d’en faire l’expérience
Jung (“Problèmes contemporains de l’âme”)

 Ce chapitre qui confronte les points de vue de la science et de la tradition, s’inscrit en toute logique dans la  thématique générale de ce tome Processus qui traite des processus évolutifs vus au travers du jeu des multiples dualités par lesquelles l’Etre se manifeste et évolue. Par les deux approches opposées et complémentaires que constituent la science et la tradition, ce chapitre trouve donc tout naturellement sa place au côté de « la partie et le tout » de « la verticale et l’horizontale », de « l’essence et la substance »  etc …

Je tenais aussi à placer ce chapitre dans les premiers de ce tome du fait que l’ensemble de mon travail résulte justement de la confrontation et du rapprochement des données de la science et de la tradition pour aboutir à une description proche de celle que propose la systémique. Un exemple de présentation de chacune de ces trois approches, traditionnelle, scientifique et systémique, est donné dans l’Exergue du Sommaire.

*

            Comment donc la science et la tradition se sont-elles côtoyées, opposées et retrouvées  dans l’histoire au sujet de la notion d’évolution ? Sont-elles incompatibles ou sont-elles complémentaires ? Quel intérêt y-aurait-il à tenter d’en réaliser la synthèse ? …

Afin de ne se priver d’aucun outil pour appréhender la question de l’évolution, il semble important de mieux connaître chacun de ces deux points de vue, celui de la science ayant malgré tout  progressivement pris le pas sur celui de la tradition pour finalement trouver une sorte de compromis  dans l’approche systémique.

Tandis que la tradition (trado: transmettre) aborde la réalité et l’évolution d’un point de vue synthétique ou selon une conscience globalisante incluant l’expérience, la démarche scientifique analytique et cartésienne qui tient d’une conscience exclusive, appréhende le monde  selon un point de vue totalement opposé, le sujet étant ici totalement étranger à l’objet étudié, contrairement à la tradition qui implique l’interdépendance de toutes les formes d’existence et l’influence du point de vue du Sujet sur l’objet étudié ; la différence d’approche est d’ailleurs nettement préhensible dans la forme du langage utilisée, celle de la tradition basée sur l’expérience étant symbolique, signifiante plutôt que savante, transmissible essentiellement oralement (l'”initié” devant, par sa propre expérience, confirmer, infirmer ou modifier les termes et le sens de la description symbolique traditionnelle qui lui a été donnée, et faisant ainsi évoluer la tradition).

Pourtant le rationalisme contemporain toujours prétentieusement -pour ne pas dire outrageusement- dominant, tend depuis quelque temps à rejoindre certaines données traditionnelles et  à  se laisser surprendre par le mystère, les nouvelles sciences à visée systémique ouvrant le champ à des aspects imprévisibles du réel !

Ainsi, si pour la tradition l’Etre (et l’ensemble des formes d’existence qui en sont les images parmi lesquelles l’homme trouve tout naturellement sa place):

– est un  Tout Unitaire impliquant l’’interdépendance de l’ensemble des éléments de la création (interdépendance perçue intuitivement par l’Homme depuis toujours)

– se dévoile selon un mouvement cyclique d’éternel retour (que l’on peut entendre comme un retour vers l’éternel !)

– possède une structure invariablement trinitaire (et extensivement septénaire)

– est constitué d’opposés qui sont aussi des complémentaires (structure polaire) qui cherchent constamment à se réunir …

… la science qui au départ dissèque et analyse les phénomènes sans que l’on en discerne l’unité sous jacente, en arrive cependant aujourd’hui à nous dire :

– que les formes d’existence possèdent  des structures polarisées

– qu’elles se complexifient et augmentent leur capacité à traiter l’information de sorte qu’elles ont fini par atteindre  la conscience chez l’homme …

– et finalement qu’il y a origine commune, interdépendance et interconnexion de fond de toutes ces formes d’existence

… tandis que la systémique intègre tout cela dans la  théorie des systèmes unitaires et des réseaux en disant que :

– tout  système implique l’Unité, l’interaction, l’équilibre et l’orientation vers un projet …

*

           Au fil des siècles, tradition et science se côtoient sous des formes diverses : c’est ainsi que platonicisme et aristotélicisme, spiritualisme et rationalisme, religion et science, animisme et objectivisme, idéalisme et mécanicisme, herméneutique et sophisme, holisme et réductionnisme, ésotérisme et exotérisme … se confrontent, s’affrontent, se séparent et se réconcilient en des mariages plus ou moins heureux et en un balancement continuel reflétant la réalité paradoxale de l’Etre et les multiples aspects antinomiques de la réalité faisant se côtoyer l’esprit et la matière, l’inclusif et l’exclusif, le féminin et le masculin, l’onde et la particule …

Pour les traditions, l’évolution  s’inscrit toujours dans l’Unité englobant et dominant tout, ce qui explique qu’elles fassent constamment référence à un principe Créateur unique, un Dieu qui est l’Etre à la fois Un et Tout, cause et finalité de tout. Outre la notion de finalité ou d’accomplissement, de ce principe de l’Unité comme cause et finalité de tout, découlent l’harmonie des mondes, l’interdépendance entre toutes les formes d’existence, la similarité entre les parties et le tout, l’adéquation entre la réalité phénoménale et la réalité transcendante gouvernées toutes deux par les mêmes lois -ou archétypes- mais ne se situant pas au même plan de l’Etre -ou ne se présentant pas dans le même état de densité, de fréquence vibratoire ou de conscience. Pour pénétrer, expérimenter et participer consciemment de cette harmonie et de cette Unité, les traditions s’appuient sur des structures, des états, des personnages et des représentations symboliques comme le cycle, la spire, les Quatre Eléments, les archétypes, les nombres, l’ange, l’ancêtre, le paradis … qui doivent être explorés par le moyen de méthodes, de pratiques ou des techniques (méditation, prière, jeûne, imagination active, respiration, rêve, vision …) impliquant certains rites ou initiations, le tout étant censé nous rendre perceptible l’Unité unissant toutes choses et nous aider à porter l’exploration toujours plus avant par la double expérience extérieure et intérieure impliquant au minimum le sens du symbole et la conscience du phénomène de projection. C’est ainsi que  l’homme peut accéder à sa totalité ou au total dévoilement de l’Etre en lui, Unité reconquise par laquelle l’Etre et le cosmos deviennent Un symbolisée par l’Adam Kadmon qui est le Christ en gloire du Nouveau Testament …

On peut noter que les notions  de totalité et d’objectif -pour ne pas dire de finalité- qui tiennent de l’Unité sous-jacente à tout -et englobant tout- sont celles-là mêmes qu’Aristote, Lucrèce et les stoïciens (Diogène, Sénèque, Zénon, Epictète …) chérirent en leur temps, eux  qui eurent de surcroît l’intelligence et l’intuition de percevoir et de décrire le mouvement de l’Univers comme une  progression “planifiée” basée sur les principes de la (re)connaissance et de l’amour, principes qui gouvernent respectivement la science et la tradition dont la rencontre était donc déjà là en germe !

Or, si la tendance actuelle est de rechercher les réponses dans les traditions orientales, ou vers d’autres rivages, ceux de l’Afrique ou de l’Amérique centrale par exemple (les connaissances des civilisations précolombiennes sont encore activement transmises, comme en témoigne l’œuvre de C. Castaneda par exemple ; cf. bibliographie), notre patrimoine traditionnel que constituent la gnose, la Kabbale, la Bible, les lames du tarot, l’astrologie, l’alchimie (issue du Moyen-Orient mais largement pratiquée en Occident) … ne sont pas en reste, leurs enseignements étant d’ailleurs plus accessibles pour nous comparés au bouddhisme, au shintoïsme ou à l’hindouisme … puisqu’ils font partie de l’âme occidentale.

Pourtant, ces traditions occidentales semblent ne pas avoir répondu à notre attente, ayant été abandonnées pour leurs consœurs plus lointaines exerçant leur  attrait par leur “exotisme”, ce dernier participant sans doute de cette inlassable quête humaine menant à l’intégration de l’”ailleurs” pour révéler le sens de l'”ici” !

Mais la cause de cet abandon pourrait aussi trouver son origine dans l’abâtardissement de la Tradition par les dogmes, à l’inadaptation des termes souvent désuets pour la conscience moderne (termes que les traducteurs se sont parfois complais à compliquer ou à laisser dans l’ombre par ignorance bien souvent), ou encore termes devenus opaques à notre entendement au fur et à mesure de notre attachement et de notre identification au monde phénoménal (que nous nous glorifions de maîtriser de mieux en mieux, attitude louable et d’ailleurs nécessaire tant que cela ne devient pas obsessionnel et ne tient pas lieu d’objectif ultime pour l’Homme, puisque cette maîtrise ne sera jamais que le préambule à la réalisation de l’Homme Spirituel).  Ainsi avons-nous à décrypter les enseignements traditionnels à la lumière de concepts mieux adaptés, plus accessibles et plus crédibles pour l’homme moderne, tout en sachant que ces enseignements demandent à être expérimentés avec des étapes à franchir, des transmutations à opérer, des “morts et des renaissances” à réaliser …

Considérons par exemple la tradition biblique de la Genèse qui est en filigrane de cet essai : la création en Sept Jours qui seraient autant d’actes magiques commandés par un Dieu toujours inaccessible et caché, ne peuvent être entrevus que symboliquement, c’est-à-dire comme une séquence archétypale universelle de sept étapes, chaque étape ayant dans cette séquence ses caractéristiques propres. Les Sept Jours de la Genèse seraient donc un “module” archétypal ordonnant la création de façon récurrente et dont on retrouverait la structure dans toutes les formes et les types d’organisation, de sorte que macrocosme (le cosmos, les mondes de lumière, les ténèbres, les luminaires, la Terre …) et microcosme (les parties ou acteurs de ces mondes : bêtes, bestioles …homme) évolueraient selon les mêmes lois (cf. La Partie et le Tout).

Les Sept Jours de la Genèse qui se rapportent à la création du monde et à l’avènement de l’Homme, sont les étapes intemporelles, éternelles et universelles d’un processus évolutif cyclique –ou spiroïdal- suivi par tout ce qui se manifeste et tend à se complexifier jusqu’à des degrés variables et plus ou moins élevés selon le cycle et la place dans le cycle des  structures concernées.

Bien que les 7 Jours de la Genèse comportent dans leur présentation une confusion qui nous les rende incompréhensibles tels quels (confusion entre « Jour » et « étape du jour » : les « 5è jour », « 6è jour » et « 7è jour » sont en fait les «  5è,  6è et  7è étape du « 4è jour » ou du 4è monde, celui de notre planète Terre et de ses organismes animaux et végétaux ; cf. Exergue du Sommaire et Acte IV du tome Scènes), les Sept Jours de la Genèse une fois cette correction apportée, constituent un modèle quasiment parfait et parfaitement cohérent de l’évolution en général et de chaque forme d’existence en particulier  comme je tente de le montrer tout au long  des 3 tomes de cet essai, Archétypes, Processus et Scènes.

D’autres modèles, d’autres séquences ou d’autres bases que celles du Sept auraient évidemment pu être utilisées pour rendre compte de l’évolution sous une autre forme, mais jamais d’une manière aussi complète, précise et cohérente: il s’avère en effet que le nombre sept  n’est pas le résultat d’un compromis, d’une complaisance quelconque ou du hasard, mais qu’il est un fait ontologique irremplaçable, un archétype universel et intemporel expliquant à la fois la structure et la dynamique cyclique universelle de l’Etre s’exprimant comme l’inspir (1-2-3 ) et l’expir (5-6-7 ) d’une respiration présentant une pause intermédiaire (4) (cf. dans ce tome Processus : l’aller et le retour ou est traité ce mouvement d’expansion- contraction).

C’est pour ces raisons que j’ai utilisé la narration biblique comme base de mon travail plutôt qu’une autre, mais la “Table d’Emeraude” par exemple (attribuée à Hermès Trismégiste), ou encore  la figure de l'”Arbre des Sephirot” (“Arbre” qui se déploie en 10 sphères ; cf. Notes du Sommaire: « Table d’Emeraude » et « Arbre des Sephirot ») de la Qabbale juive (cf. par exemple les livres Sepher Yetsirah ou Livre de la Formation et Sepher Ha-Zohar ou Livre de la Splendeur), recèlent bien des éléments tout aussi éloquents, car au fond, chacun de ces enseignements expriment la même chose sous des aspects différents.

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           Pour ce qui concerne la démarche scientifique, c’est notamment à partir de la Renaissance (pour ne pas remonter trop loin, chez les sophistes grecs par exemple qui rejetèrent les dieux en les considérant comme une illusion) qu’elle prend son envol (accompagnée du moralisme dogmatique et de l’idéal de beauté proches des modèles antiques) puis trouve sa culmination au XVIIè siècle avec l’approche réductionniste des sciences exactes dont nous connaissons aujourd’hui les ultimes conséquences, tout cela se soldant de “l’évanouissement” de l’âme de l’homme et de l’éclatement et même de la disparition de tous les systèmes de croyances qui guidaient l’homme du Moyen-âge. Or, de ce Moyen-âge souvent décrit comme dominé par l’irrationalisme et même l’obscurantisme, nous ne pouvons pourtant nier sa force et son influence dans les traces qu’il nous laisse concernant le sens des valeurs, le dépassement des limites, l’optimisme, la profondeur, son alchimie pleine de vitalité, sa quête du Saint Graal,  ses “fratres liberi spiritus“, ses personnages hauts en couleurs,  ses églises et basiliques romanes rondes, humbles, chaudes et vibrantes comme sang dans le cœur de notre temple corps … !

A partir de la Renaissance, et après une période d’entente relative entre l’alchimie, la scolastique et la théologie religieuse, les “détenteurs de la connaissance” se sont donc concentrés sur l’interprétation rationnelle des textes traditionnels en y insérant tous leurs préjugés et idéologies entrainant des complications sans fin, la montée du sectarisme et de l’intolérance qui s’accompagnèrent d’un raidissement du dogme catholique exprimant un désir de domination et de puissance à peine ou pas dissimulé.

La tradition vivante, religieuse et païenne, a ainsi été réduite à une connaissance intellectuelle, les réponses traditionnelles au sens de la vie et à l’évolution étant progressivement récupérées, transformées, dévitalisées ou abâtardies, alors que le clergé, tout en accumulant les richesses matérielles, entretenait des dogmes figés et orientés selon sa propre névrose. Plus possible de dire alors si ce Dieu qui tenait le destin de l’homme entre ses mains s’était fait Homme ou pas, était en lui ou hors de lui!

Les sciences cartésiennes ont à leur tour pris le flambeau et tenté de répertorier les rouages de l’Univers et même de répondre aux interrogations fondamentales de l’Homme, reléguant ainsi la tradition au rang d’un passé révolu.

Au début, les lois qu’elles formulaient semblaient enfin donner une vision claire et mathématique du monde qui n’était plus que matière et mécanismes, le scientifique, cherchant l’âme dans l’épiphyse, le sang ou le cerveau comme aujourd’hui les neuro-sciences cherchent à débusquer l’esprit avec des outils toujours plus performants mis au service d’un mode de penser mécaniste.

Après une période d’euphorie, mais évidemment prisonnières de leur “fantasmes d’horlogerie”, ces mêmes sciences se heurtèrent à leurs propres limites: l’Univers et le vivant se révélaient sous des formes insoupçonnées et insaisissables par les méthodes utilisées, et les notions d’unité, d’interaction, de paradoxe, d’infini, de conscience … ne pouvaient plus être ni appréhendées ni décrites  par cette approche.

On peut constater que la démarche scientifique qui  tend à exclure  et à séparer -et qui isole l’objet étudié de telle sorte qu’aucune influence extérieure ne vienne en perturber l’étude- s’est développée parallèlement au renforcement progressif de l’individualité qui, de l’Antiquité aux Temps Modernes, a eu l’effet bénéfique de nous défusionner du collectif ou du global -plus ou moins vaste- et de nous donner les moyens de maîtriser notre développement personnel ou de construire notre individualité, mais a eu aussi la fâcheuse conséquence de nous séparer du monde ou d’invalider  notre participation sensible au monde.

Accompagnant cet isolement et ce renforcement narcissique d’un égo de plus en plus préoccupé de lui-même, la démarche scientifique nous a mené très loin dans la recherche et la technicité, dans la manipulation de l’énergie et de la réalité tangible, dans la fabrication infinie d’objets et de systèmes mécaniques et théoriques … de sorte que nous sommes devenus des  machines à consommer et à penser minées par la confusion et l’insatisfaction et dépossédées du sens de leur action. L’homme ayant exploré, étudié‚ disséqué et fabriqué une multitude d’objets et d’évènements le laissant angoissé sinon perplexe comme un enfant qui vient de démonter un moteur et qui ne peut plus le remonter, se pose alors la question cruciale de sa place dans l’Univers et du sens de sa vie en général. Et lorsqu’il se tourne vers la tradition pour y chercher quelque réponse, et met pour l’occasion son égo en sourdine, il a alors l’impression d’y laisser  des plumes -ou de les perdre réellement- tant les coups fusent de toutes parts dès que l’on baisse la garde, tant l’on se sent déchu en abandonnant le cartésianisme prometteur de réussite et de pouvoir !

Il faut néanmoins rendre à César ce qui est à César ! Né de la capacité à la pensée réfléchie, le rationalisme apparaît en effet comme une phase inéluctable et même nécessaire dans le développement de la conscience humaine. Instrument lié au langage, le rationalisme possède évidemment ses qualités et ses avantages: son rôle est de favoriser le développement de l’individualité en nous extrayant de l’inconscient et en nous libérant des influences spiritualistes mal intégrées, tout en nous permettant de mettre en ordre logique la réalité tangible et les vérités intuitives, d’en nommer les éléments en cause ou d’en faire l’inventaire. De ce fait, il est en quelque sorte un “garde-fou” qui aide à la socialisation, à l’orientation et à la concentration sur le tangible. C’est pourquoi toute démarche traditionnelle inclusive ou “spirituelle” -qui dans son principe, a pour fonction de nous amener à la réintégration consciente de l’Unité- doit néanmoins s’appuyer  sur les acquis de la conscience rationnelle et différenciative du Moi si elle ne veut pas nous faire régresser dans la fusion et l’inconscience des “premiers âges de l’homme”.

“Les mystiques et les schizophrènes se retrouvent dans le même océan, mais les mystiques nagent alors que les schizophrènes coulent”. Laing

Cela souligné, disons que le rationalisme  utilisé comme seul mode d’appréhension du monde  nous laissera toujours sur notre faim, a fortiori lorsqu’il se rigidifie en descriptions et en pratiques exclusives et univoques qui tyrannisent la conscience alors que d’autres voies s’offrent à elle. Rivé aux phénomènes concrets, à leur distinction, à leur hiérarchisation, mais refusant l’existence d’un fait non mesurable concrètement et ignorant les phénomènes plus subtils, le rationalisme est cette intelligence essentiellement “matérialiste” se voulant objective et logique mais à laquelle échappe une réalité plus profonde dont l’ignorance amoindri dramatiquement l’individu jusqu’à le rendre malade.

Jung dit: (Essai d’exploration de l’inconscient p. 161):

“L’homme moderne ne comprend pas à quel point son “rationalisme” (qui a détruit sa faculté de réagir à des symboles et à des idées lumineux) l’a mis à la merci de ce monde psychique souterrain. Il s’est libéré de la “superstition” (du moins il le croît) mais ce faisant, il a perdu ses valeurs spirituelles à un degré alarmant. Ses traditions morales et spirituelles se sont désintégrées, et il paie cet effondrement d’un désarroi et d’une dissociation qui sévissent dans le monde entier.”

puis p. 163:

“A mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé. L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques. Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques.”

Après les théories de la thermodynamique qui ne pouvaient qu’apporter une vision pessimiste du vivant, de son sens et de son évolution, puisqu’elles stipulent que tout système  évolue vers sa mort ou une entropie croissante (système qui est obligatoirement fermé ou isolé selon ce mode de penser, même pour ce qui concerne les organismes vivants), après les théories de la sélection naturelle, de la lutte pour la vie et des mutations de Malthus et de Darwin, après l’interprétation causale exclusive par Freud des phénomènes psychiques, tout à fait en accord et comme le reflet de son époque (mais qui a eu le mérite de nommer l’inconscient), le romantisme prenant le contre pied de ce courant, fit germer au XXè siècle une nouvelle conscience : l’interdépendance du sujet et de l’objet d’observation scientifique, de la matière et de l’esprit, conscience dont certains ne semblent pas encore avoir véritablement perçu le message.

Ainsi les biologistes par exemple ayant fait une première concession à la pensée inclusive ou systémique en parlant de l’auto-organisation des organismes vivants et de leur interconnexion avec l’environnement, ont limité malgré tout cette notion d’interdépendance au plan matériel, sans qu’apparaisse nettement le principe sur lequel l'”ordre transcendant” ou « implicite » puisse avoir son rôle jusqu’à fonder toute réalité et orienter l’évolution, évolution qui pour ces biologistes, reste soumise au hasard ou aux “influences aléatoires et imprévisibles de l’environnement” et aux multiples réponses possibles par rapport à ces influences.

J. Monod -encore lui- (“Le hasard et la nécessité“), pour qui les bricolages, les essais et les erreurs, et finalement le hasard, jouent un rôle essentiel dans l’évolution biologique, la vie et la pensée étant selon lui “des propriétés émergentes explicables par le jeu des interactions moléculaires” (il aurait tout aussi bien pu dire “des interactions particulaires” sans se tromper, ce qui démontre que des affirmations de ce genre n’ont de valeur que littéraire), croît démontrer  par là l’absence d’une “intention”, d’un projet ou d’un sens dans la nature, ce projet lorsqu’il paraît être, n’étant qu’une illusion due à la propriété “téléonomique” (teleos: but; nomos: règle) des systèmes complexes.

Et Atlan de commenter (“L’organisation biologique et la théorie de l’information“):

“J. Monod a parfaitement posé le problème central de la biologie depuis plus d’un siècle, à savoir la reconnaissance et la compréhension simultanées des phénomènes d’invariance et de ceux qu’il appelle “téléonomiques”, de réalisations apparentes de projets. Ce sont ces derniers qui posent le plus de problèmes à la recherche scientifique, car ils conduisent, apparemment inévitablement, vers des attitudes finalistes qui sont incompatibles avec l’attitude résolument causaliste qui est le fondement de la méthode scientifique elle-même. En effet, toute cette méthode repose sur le principe suivant lequel la cause précède l’effet; l’idée qu’il puisse en être autrement, que la cause d’un phénomène pourrait non pas précéder ce phénomène dans le temps mais le suivre et n’apparaître que plus tard, est incompatible avec la notion d’orientation de d’irréversibilité du temps”.

et d’ajouter:

“…les processus d’auto-organisation qui apparaissent à posteriori comme la réalisation d’un projet, sont en réalité les effets de facteurs aléatoires de l’environnement, que n’importe quel système peut utiliser de cette façon, à partir d’un certain degré de complexité structurale et fonctionnelle.”

Scientifiquement, il est donc toujours difficile -et même inadmissible-  d’assigner un sens au vivant et même d’en accepter l’idée, son évolution paraissant imprévisible et sans objectif, accidentelle, aléatoire, soumise au hasard et à la coïncidence. Mais, tout à fait contradictoirement à ces assertions, ces mêmes scientifiques soulignent qu’avant l’avènement du vivant, l’évolution apparaît comme relativement prédictible, puisque les particules par exemple ne pouvaient pas aboutir à autre chose qu’aux atomes et aux galaxies. Au-delà du fait que la vie introduit un réel accroissement de complexité et d’interactions qu’il est difficile de maîtriser, il y a là bien sûr une réelle appréhension à entrevoir le vivant et l’homme en particulier comme les témoins d’une évolution logique et orientée vers une sorte d’aboutissement qui conforterait dangereusement la thèse biblique et donnerait à l’homme une “responsabilité” difficile à accepter tout en créant chez lui une angoisse insupportable et une atteinte cuisante à son orgueil pour se sentir si ignorant.

L’ignorance, c’est paradoxalement le raisonnement causaliste univoque et entêté jusqu’à l’obsession, qui finit par en être la cause, car avec lui règne en maître le principe discursif et exclusif  (attribut essentiel de l’Homme Pensant acteur du premier monde humain) qui découpe en morceaux ou en blocs isolés la réalité physique, incapable par conséquent d’en saisir l’unité, les liens avec d’autres aspects et les synchronicités témoignant de l’Unité et de la dimension multidimentionnelle de l’Etre que décrit la Tradition depuis toujours.

Pourtant, comme nous l’avons suggéré dans les lignes précédentes, les données scientifiques tendent aujourd’hui paradoxalement à rejoindre et à corroborer celles de la tradition dont la justesse nous surprend tous les jours : c’est ce que nous montre la théorie systémique.

Le rapprochement de la science et de la tradition :

la systémique

           Dans le domaine des sciences physiques, humaines et du vivant en général, on voit poindre de nouveaux paradigmes qui, pour notre plus grand soulagement et comme une réémergence majestueuse des intuitions des hommes de l’antiquité et des tenants de la tradition, rétablit l’équilibre par rapport à la frénésie analytique utilisée exclusivement depuis quelques siècles (qui a servi à organiser  notre société dans laquelle il nous arrive aujourd’hui de suffoquer), faisant apparaître depuis quelques décennies une nouvelle conscience synthétique et holistique: ce sont par exemple les hypothèses de l’astrophysique moderne et de la physique relativiste puis quantique (mécanique quantique de David Bohm ; recherches sur les systèmes vivants et les systèmes complexes de Rupert Sheldrake ; théorie de la matière comme onde et particule de N.Bohr ; particules comme événements énergétiques interconnectés ou “interconnections universelles et cohérentes” ou  “bootstrap” de Chew  ; champs morphogénétiques de Guillé …), le holisme en sociologie (compréhension de l’individu à travers les logiques sociales), le structuralisme en linguistique (analyse du signe linguistique  à travers plusieurs composants), la théorie de la psychologie des profondeurs et de l’inconscient collectif de Jung … toutes théories impliquant entre autres la notion d’étapes évolutives, l’influence réciproque du global sur le local et l’interdépendance du sujet observateur et de l’objet observé (nécessitant, entre autres, d’inclure la conscience humaine dans l’étude des phénomènes et la conception des théories).

Nous sommes véritablement à une époque où science et tradition sont en train de se rejoindre ! Et à cette jonction se trouvent entre autres le mouvement systémique et ses théories.

La systémique  appréhende la réalité comme un assemblage de systèmes ou de « totalités organisées formées d’unités actives solidaires en interaction entre elles et avec des environnements par l’intermédiaire de flux »  (J.L Lemoigne : ” La théorie du système général” …). Un système, naturel, construit ou hybride (physico-chimique, biologique, écologique, économique, social, cognitif …) comprend  donc le système lui-même (délimité par ses frontières), ses composants internes (sous-systèmes ou parties, processeurs, acteurs) et l’environnement de ce système.

Edgar Morin  (“La Méthode » -Seuil)  utilise le concept d’auto-éco-re-organisation pour caractériser les capacités principales d’un système: (Auto : autonomie, capacité d’auto-organisation ; Eco : fonctionnement ouvert, échangeant avec l’environnement; Re : réorganisation pour se maintenir et se développer).

Le système est donc doté d’un certain nombre de propriétés telles que l’autorégulation, la coordination de ses processeurs, de ses  fonctionnements et de ses activités orientées vers un projet grâce à des capacités informationnelles, décisionnelles et opératoires. En résumé un système s’adapte, évolue et s’auto-finalise. Nul doute que cette capacité à « s’auto-finaliser » ou à s’orienter vers un projet nous apparaît comme la plus troublante de toutes !

Invariable dans son principe et capable de se transformer, un système est imaginé dans son fonctionnement par H. Atlan comme le jeu du cristal et de la fumée (« Le cristal et la fumée ») c’est-à-dire comme le jeu d’une structure et d’une dynamique réunissant un haut niveau organisationnel et une haute capacité adaptative relevant tous deux de la redondance (structurale et  fonctionnelle) exprimant « l’efficacité de l’organisation dans sa résistance aux changements aléatoires”.

De son côté, E. Morin préconise la  “vision clignotante” pour appréhender l’organisation complexe d’un système, c’est-à-dire une vision alternant entre une représentation par flux et une représentation par organigramme. Tandis que cette dernière met l’accent sur les fonctions et les hiérarchies, la représentation par flux met l’accent sur les objectifs et les faits en cassant les hiérarchies inutiles, de sorte que chaque acteur entre à part égale dans le fonctionnement.

Comment dès lors formaliser les principes ou les lois permettant d’expliquer le fonctionnement d’un système ?  Car cette « totalité organisée formée d’unités actives solidaires en interaction entre elles et avec des environnements par l’intermédiaire de flux » qu’est le système,  fonctionne évidemment selon des lois dont les présupposés mis à jour progressivement par la systémique, sont les suivants:

– présupposés cybernétiques, c’est-à-dire moins liés à la matière constituant les systèmes (analyse de type physique ou structurel) qu’au réseau de leurs interactions internes et externes (analyse de type relationnel, c’est-à-dire en rapport avec le réseau de l’organisation du système comme les réseaux de rétroactions positives et négatives par exemple). Cette lecture cybernétique appréhende en premier lieu le fonctionnement des systèmes stables (homéostasie), autorégulés et sensibles aux fluctuations et aux bruits (contingent).

– présupposés systémiques ou holistes  dans un second temps (Jan Smuts, Ervin Laszlo …) c’est-à-dire s’intéressant à l’ensemble du système comme totalité indivisible, un changement dans une partie du monde affectant donc les autres …. Ils témoignent des capacités d’auto-organisation, d’autoproduction, de transformation et des propriétés émergentes des systèmes complexes (formes nouvelles ou morphogénèse, évolution vers la vie comme propriété émergente …) dont les modèles modernes sont dans les théories de l’ordre par le bruit, du chaos, de la turbulence, de la “structure dissipative” (I. Prigogine) …

– présupposés de conscience et même autogénétiques dans un troisième temps  (Eric Schwarz) puisqu’ils incluent non seulement la capacité d’« autoréférence »  et d’auto-connaissance d’un système c’est-à-dire de conscience, mais  l’ontogenèse autoréférentielle, c’est-à-dire de création d’existant par l’existant (de la matière à la vie, de l’animal à l’homme, de l’homme contemporain  à l’homme futur …).

Ainsi, libérée du paradigme de la séparabilité sujet-objet de la science mécaniste empirico-analytique, la systémique s’est forgé le paradigme  cybernétique reconnaissant la prédominance de la relation circulaire aboutissant au paradigme  holistique de non-séparabilité propre à  la mécanique quantique montrant l’impossibilité de séparer le sujet de l’objet.

Certes, cette sorte de synthèse entre la tradition et la science qu’est « l’approche systémique fondée sur  des présupposés plus généraux que ceux de la science positiviste, semble une bonne  grille de lecture pour le changement de paradigme qui s’annonce » (Eric Schwarz : “Crise conjoncturelle ou changement de paradigme »? Op. cité) … « L’approche systémique se présente en effet comme une nouvelle  façon d’interpréter le monde, d’interagir avec l’environnement et de mieux gérer  les problèmes générés par la globalisation en cours en permettant de définir des critères de choix plus compatibles avec le fonctionnement de la nature et les aspirations de l’homme …». Ainsi, la systémique qui peut s’apparenter non seulement à une science, mais à un état d’esprit (voir Liberty Ship)  ou à une philosophie,  devrait posséder des outils sinon des lois générales ou communes à l’ensemble des disciplines  (physico-chimie, biologie, écologie, économie, sociale, cognitive …), à la différence de l’approche cartésienne fragmentée où chaque discipline a ses propres outils et  lois.

Mais concernant la formulation de ces lois, on voit bien la difficulté à la mise en équation -non-linéaire notamment- à la fois « du cristal et de la fumée », « du flux et de l’organigramme » et de l’ensemble des paradoxes que représentent les processus structurels de nature physique et les processus relationnels  de nature logique ou cybernétique incluant les différents couples que sont  le mobile et l’immobile, le structurel et le dynamique, le stable et l’évolutif, l’individuel et le relationnel, le séparé et le relié, le partiel et l’entier, le permanent et  le cyclique (cycles écologiques …), l’espace et le temps … dont le couplage assure justement l’existence, le fonctionnement et l’évolution du système. Sans  nier la difficulté à formuler ces lois, c’est comme si la systémique n’avait pas encore pris totalement conscience de la portée des notions et des outils conceptuels qu’elle utilise, ou comme si elle n’avait pas encore suffisamment élargi sa vision pour en cerner l’essentiel ou les lois originelles, celles que révèlent la tradition, justement.

Tandis que la systémique en est encore à rechercher son axiomatique, la tradition s’appuie elle sur des principes ou archétypes qui intègrent  la nature paradoxale qui tient à l’existence même  de l’Etre comme de tout système unitaire: ainsi la nature paradoxale ou la dimension spatio-temporelle de tout système basée sur la double nécessité de stabilité et d’évolution est-elle ontologique (cf. tome Archétypes : le Un). La systémique constate en  effet elle-même que si les aspects structurel et  dynamique des systèmes  sont de nature différente, ils deviennent de plus en plus similaires avec l’évolution de ces systèmes ou au contraire en allant vers l’origine du système qui initialement homogène, se structure au fil de son évolution dans l’espace (structures dissipatives de I. Prigogine) et dans le temps (structures temporelles oscillantes de pulsations plus ou moins périodiques).

Il en est de même pour ce qui concerne la notion de finalité d’un système qui est inscrite à l’origine même de ce système. On a vu plus haut les hésitations d’Atlan concernant cette notion. En fait chaque système possède son projet à l’origine même de son existence, fixé au départ de sa formation. Voilà qui est très dérangeant ! Selon une vision systémique élargie qui serait capable d’appréhender l’Etre dans sa globalité, l’objectif humain par exemple serait inscrit au départ même de son existence ou de  chacun des mondes dont l’homme est le créateur, ou même déjà présent dans la particule  de lumière de l’univers, l’homme total devant retourner à  la lumière !

Quant à la manière dont le système évolue (qui concerne plus spécialement les règles de fonctionnement ou les processus plutôt que la structure ou l’architecture du système révélée par ses lois), elle est présentée par  la systémique comme la résultante du jeu entre le système et son environnement, entre la « contingence matérielle et la nécessité relationnelle ». Selon la systémique, le système évolue ainsi et se complexifie sous la pression de l’environnement dont les perturbations (les “bruits”) sont utilisées pour préserver et accroître ses capacités organisationnelles (la redondance, l’ordre intérieur, structure). Ces dernières qui lui permettent d’accroître les spécialisations de certains de ses processeurs afin d’exploiter au mieux de nouveaux environnements, tendent par ailleurs à s’épuiser, d’où la nécessité d’un investissement permanent pour en re-fabriquer (H. Atlan).

On a ici une sorte de cercle infernal dont on a peine à voir les mobiles et les objectifs, sinon ceux menant à la fortification du système, ce qui nous renvoie un peu brutalement à la vision darwinienne, même si on élargit cette vision  à l’aide des théories modernes (de l’ordre par le bruit, du chaos, de la turbulence, de la “structure dissipative”…) qui  tentent de formaliser le fonctionnement systémique.

Car se questionner sur l’environnement, c’est encore se questionner sur le système !

D’où vient l’environnement ? De quoi est-il fait ? N’appartiendrait-il pas à un autre système plus vaste incluant le système étudié, ou à d’autres systèmes inclus eux-mêmes dans un système plus vaste ?  …

Pour répondre, nous avons d’abord à définir les différents types de systèmes: le système considéré constitue-t-il un système ou un sous-système ? Forme-t-il un tout ou s’inscrit-il dans un tout ? Est-il complet ? Incomplet ? Est-il microcosmique ? Macrocosmique ? … Nous sommes ainsi notamment renvoyés à la question de « la partie et du tout » (ou du local et du global cf. La partie et le tout de ce tome) impliquant la nécessité de raccorder « la partie à son tout » ou au « bon » tout (c’est-à-dire au « tout » que constitue son système de référence). Prenons par exemple  les différents systèmes micro- et macrocosmique: la molécule est partie ou microcosme du tout galactique (son macrocosme) ; l’animal et le végétal sont les parties ou les acteurs (microcosme) du tout que représente le système Terre  (macrocosme) ; l’homme est partie (microcosme) du tout qu’est l’humanité pensante (macrocosme) … sachant que les parties  deviennent avec l’évolution des systèmes à part entière (équivalant du macrocosme) pour leurs parties constitutives (cellules par exemple équivalant du microcosme pour les organismes…).

Se pose alors évidemment la question de la préséance ou de l’antériorité de l’un sur l’autre de la partie ou du tout –l’histoire de la poule et de l’œuf en somme! Tandis que la systémique semble donner l’antériorité aux parties qui par leurs interactions feraient émerger le tout qui en retour donnerait sens aux interactions produisant le fonctionnement observé, nous constatons,  comme dit plus haut, que tout est déjà inscrit à la naissance même d’un système : « parties et tout » apparaissent donc simultanément sur un mode absolument synchrone, ce qui appelle à inclure de nouvelles théories dans la systémique comme celles des fractales et du synchronisme (cf. le Un du tome Archétypes ; l’Acte I du tome Scènes; et La partie et le tout de ce tome Processus …).

A côté de cette notion de « partie et de tout », il  en existe  bien d’autres qui constituent comme elle des processus binaires (essence-substance, verticale-horizontale …) dont résulteraient les principales propriétés et fonctions des systèmes (existence, maintien, communication, organisation, régulation, finalisation, information, adaptation, mémorisation, apprentissage …). Parmi ces processus et ces propriétés  je voudrais en citer deux qui me semblent particulièrement importantes et peu mises en valeur par la systémique: il s’agit de l’auto-transcendance et du cycle.

Le cycle comme processus d’aller et retour est partout : dans les boucles de rétroaction, dans les cycles écologiques, dans les cycles de reproduction … mais il est aussi présent dans les nœuds, les liens, les croisements, les réseaux, l’inspir et l’expir qui animent la vie … Le cycle dessine ainsi le mouvement général d’un aller-retour par lequel tout système se manifeste selon une expansion et une contraction (ou une différenciation et une intégration) le portant à son apogée (cf. L’aller et le retour de ce tome). Mais un système à son apogée doit encore se transcender pour permettre le passage d’un système à un autre ou à l’Etre d’évoluer !

La transcendance considérée comme « propriété émergente » par la systémique ou comme capacité à l’autogenèse (cf.plus haut), est cette capacité du système à en créer un autre, à créer un autre « existant » de novo (de l’inanimé à l’animé, de l’animal à l’homme …). Pour cela, s’ajoutant à ses deux phases d’expansion et de contraction (ou de différenciation et d’intégration) il est nécessaire que le système connaisse une troisième phase concernant les parties les plus élaborées du système, parties  tirant d’elles-mêmes les ressources de leur futur (par « introspection », par intériorisation, par sublimation …) sous la pression du nouveau milieu en train d’apparaître, de sorte que le cycle se révèle être une spire accouchant des semences du nouveau système (cf. Le maillon et la chaîne de ce tome).

Au fond, il suffirait de montrer que l’Etre est une spire, qu’il se cache dans la spire … que la spire est tout et partout !

Ainsi, à l’instar des formes traditionnelles de connaissance, la systémique qui s’apparente déjà plus à une approche subjectale qu’objectale, c’est-à-dire à un mode d’agir, à une manière d’être et à une philosophie, se révèlera-t-elle  davantage encore un instrument de pénétration et de connaissance pour la révélation de l’homme futur.

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Bibliographie

Atlan, L’organisation biologique et la théorie de l’information ; Le cristal et la fumée
Bohm David,  La conscience et l’univers aux éditions Alphée, 2007
Castaneda C. Le feu du dedans, ed. Gallimard, 1985
Caveing Maurice, Zénon d’Élée, Prolégomènes aux doctrines du continu, Paris (Vrin) 1982.
Diogène, Politeia (La République),
Epictète Les Entretiens ; Le Manuel d’Epictète
Guillé E. L’alchimie de la vie
Jung, Problèmes contemporains de l’âme
Laszlo Ervin, Evolution: The General Theory, Hampton Press, 1996
Lemoigne L, La théorie du système général
Lurçat François Niels Bohr et la physique quantique, Seuil, collection Points Science, 2001.
Monod, Le hasard et la nécessité
Morin Edgar , La Méthode, ed. du Seuil
Planck Max, Autobiographie scientifique
Prigogine I.  Physique, temps et devenir – Masson, 1980 ; La Nouvelle Alliance – avec Isabelle Stengers, Gallimard, 1986 ; Entre le temps et l’éternité – avec avec Isabelle Stengers, Fayard, 1988 ; Le Monde s’est-il créé tout seul ?, avec Henri Atlan, Joël De Rosnay, Albert Jacquard, Jean-Marie Pelt et Trinh Xuan Thuan, Albin Michel, 2008,
Schwarz Eric, Crise conjoncturelle ou changement de paradigme
Sénèque Questions naturelles ; Dialogues
Sheldrake Rupert L’Âme de la nature, traduction Paul Couturiau, Éd. Albin Michel, 2001, Collection : Espaces libres ; Une nouvelle science de la vie, Éd. du Rocher, 2003, Collection : Sciences Humaines ; Réenchanter la science, Éd. Albin Michel, 2013.
Smuts Jan , Jan Smuts, Holism and Evolution, Macmillan & Co Ldt, Londres, 1926

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Hubert Faivre est chercheur dans le domaine de l’évolution
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